CREATOR: gd-jpeg v1.0 (using IJG JPEG v62), quality = 90Cette semaine, tout le monde viticole est tourné vers Bordeaux, avec le fameux lancement des primeurs 2012. Comme chaque année, chaque appellation et/ou château y va de sa réception pour accueillir négociants et journalistes à des dégustations du millésime 2012.

Loin de revenir sur le mécanisme, je voudrai répondre à la question que me posent constamment mes amis non bordelais, à savoir:

« A-t-on un intérêt à acheter du vin en primeur ? »

Si l’on s’en tient aux faits, il faut avouer que ces dernières années, la spéculation sur les primeurs n’avait aucun intérêt. Pour s’en convaincre, j’ai pris un panel de quelques propriétés dans diverses appellations (Château Guiraud, Domaine de ChevalierChâteau d’Issan, Château Canon La Gaffelière, Château Lafitte et Château Cheval Blanc), et comparé leur prix de sortie primeur avec celui auquel il serait possible de se les procurer aujourd’hui.

  Ainsi, constate-t-on que le client qui a acheté ces châteaux en primeurs en 2003 a fait une très bonne affaire, puisque ces vins ont vu leur prix doubler, tripler, voir décupler; Château Guiraud sorti à l’époque à 31, 1 euro s’échange aujourd’hui aux alentours de 54 euro (HT), Domaine de Chevalier à 21 euro contre 57 euro, Château d’Issan à 23 euro contre 64 euro, Château Canon La Gaffelière à 41 euro contre 80 euro, Château Cheval Blanc à 214 contre 504 et Château Lafitte à 166 contre 1150 euro…. Belle affaire pour qui avait acheté des primeurs!

  Pour les 2005, la plus-value est déjà plus faible puisqu’un Château Guiraud sorti à 42.7 euro s’échange en 2013 à 50 euros, un Château d’Issan qui sortait à 43 euro se déniche à 88 euro et un Château Lafitte pourtant déjà à 525 euro est aujourd’hui à plus de 1000 euro la bouteille.

  En 2007, plus « petit millésime », hormis sur quelques vins comme Château Lafitte qui s’échange aux environs de 760 euro contre un prix de sortie à 317 euro, les plus-values ne sont guère que de 10-20%, puisqu’un Château Guiraud s’achète à 40 euro pour un prix primeur de 35 euro, un Domaine de Chevalier est à 40 euros contre 32 euro et même un Château Cheval Blanc est à 550 euro contre 467 euro… rien d’exceptionnel!

  L’année 2009, millésime certes exceptionnel, a vu une envolée des prix primeurs qui ont pour ainsi dire doublé, avec pour exemple un Domaine de Chevalier à 62 euro, un Château d’Issan à 53 euro ou un Château Canon La Gaffelière à plus de 81 euro. Du même coup, on trouve quelques années plus tard ces flacons à des prix sensiblement identiques au prix de sortie primeur… aucun intérêt à avoir acheté en primeur!

  En 2010, les prix primeurs sont restés stables à un niveau très élevé, tant est si bien que beaucoup ayant acheté en primeur ont même fait des moins-values sur ce millésime… mauvaise pioche!

  Quant à 2011, malgré une baisse significative de 20 à 30% pour certains châteaux, on peut penser que rares seront ceux qui pourront spéculer sur les primeurs…

Pour résumer, disons qu’acheter des primeurs fût pour le particulier une affaire très rentable jusqu’au début des années 2000, mais que l’envolée des prix fût telle que depuis 2009, le rendement financier n’est plus au rendez-vous.

Pour ce millésime 2012, le microcosme bordelais parie sur une baisse des prix encore significative pour retrouver des prix proches des 2007 ou 2008. Est-ce à dire pour autant que dans 5 ans, ces vins se trouveront à des prix nettement supérieurs, rien n’est moins sûr. Pour autant, ce millésime s’annonce d’ores et déjà très hétérogène avec des bonnes et mauvaises surprises. Des lors, on peut penser que si les prix de sortie baissent, comme l’on peut s’y attendre, l’achat de certains vins en primeurpourra retrouver un attrait financier.

Si pour le particulier, les primeurs 2012 risquent donc de ne pas être une bulle spéculative en cette période de crise, ils sont suivis de très près par le monde professionnel  tant  les enjeux sont colossaux sur un marché tendu et en pleine mutation.

Arsène Bacchus